Josep Maria Solé i Sabaté, historien
« La collecte de signatures impulsée par la Plataforma Proseleccions Esportives Catalanes a été un fait marquant dans l’histoire. »
Josep Maria Solé i Sabaté, historien
« La collecte de signatures impulsée par la Plataforma Proseleccions Esportives Catalanes a été un fait marquant dans l’histoire. »
Du point de vue historique, à quel moment se trouve la revendication des sélections catalanes ?
Les conditions subjectives sont très bonnes. La plus grande majorité des citoyens de la Catalogne défend le droit d’avoir des sélections sportives catalanes comme n’importe quelle autre nation. Ainsi l’a exprimé la population à chaque fois qu’on lui a posé la question à ce sujet. Dans le monde du sport il y a aussi une majorité de personnes qui luttent pour les sélections catalanes. Par contre, les conditions objectives sont plutôt problématiques parce que les institutions espagnoles ont systématiquement et graduellement fermé toutes les voies qui pourraient permettre à la Catalogne d’avoir des sélections sportives participant à des compétitions internationales. L’Espagne a rendu et continuera à rendre la tâche très difficile. Quoi qu’il en soit, je crois que la volonté du peuple finira par s’imposer ; cette volonté est fondamentale pour poursuivre la lutte. Si les citoyens catalans continuent à faire pression pour obtenir la reconnaissance internationale des sélections sportives, on finira par l’avoir. Nous ne devons pas oublier que le sport et la revendication des sélections sportives sont uniquement deux mécanismes parmi ceux qui existent pour que les nations puissent se manifester. Il s’agit de la défense de l’identité propre à partir du fait sportif. Historiquement, la Catalogne est un pays sportif. La plupart des fédérations sportives de l’Espagne sont nées en Catalogne ; mais, par la suite, la fédération espagnole a absorbé la catalane et a annulé sa spécificité. Tous ces éléments doivent nous servir à renforcer notre position, mais il est clair que l’Espagne va rendre les choses plus difficiles.
Les événements de Fresno sont un exemple des difficultés que nous allons rencontrer.
Les événements de Fresno sont un exemple des difficultés que nous allons rencontrer. À Fresno, l’Espagne a ôté son masque. L’appareil étatique se met en marche et achète, fait pression, contraint, menace et triche de toutes les manières possibles pour éviter que la Fédération catalane de patinage soit reconnue par la FIRS. Avant l’assemblée de Fresno, un nombre élevé de personnes pensaient, naïvement, que l’Espagne croiserait les bras et laisserait le processus suivre son cours. Après Fresno, je crois que personne ne peut en douter, le poids de l’État s’est imposé avec force.
« La pression des Catalans est fondamentale pour que le processus avance d’une manière positive. Grâce à cette pression, on s’est engagés dans la voie qui mène à la reconnaissance internationale des sélections catalanes. »
Vous croyez qu’à Rome il pourrait se passer quelque chose de semblable ?
Sans aucun doute, l’Espagne fera de nouveau pression sur l’assemblée de Rome pour que la Fédération catalane de patinage soit refusée par la FIRS. Mais cette fois, le processus ne sera pas si bâclé et si évident qu’à Fresno ; je crois que ça se fera avec plus de discrétion. Quoi qu’il en soit, nous verrons ce que l’assemblée décidera.
Vous pensez qu’à l’extérieur de la Catalogne on comprend les revendications visant à obtenir les sélections sportives catalanes ?
Dans cette affaire, nous devons parler de deux niveaux. À l’étranger, je ne crois pas qu’on ait trop d’inconvénients à reconnaître les droits des fédérations catalanes de demander leur admission dans leurs fédérations internationales respectives. Il y a un nombre élevé de fédérations reconnues qui n’ont aucun état derrière soi. Par contre, en ce qui concerne le reste de l’Espagne, tout est politisé, et c’est pourquoi il y a des problèmes. Les Espagnols prétendent tout uniformiser, même les symboles, et lorsque l’autorité veut s’imposer cela peut devenir dangereux parce qu’elle peut le faire de plusieurs manières, même par la force ; c’est à dire, en contraignant ou menaçant n’importe qui que ce soit : fédérations, dirigeants, sportifs…
« Les fédérations et les partis politiques peuvent et doivent travailler beaucoup pour défendre les sélections catalanes. Il ne faut pas être mou, il faut revendiquer en faisant preuve de décision et sans peur, étant convaincus que l’Espagne ne fera aucune concession. »
Le monde fédératif catalan est-il en train de travailler suffisamment pour obtenir la reconnaissance des sélections catalanes ?
La plupart des dirigeants des fédérations sont des personnes politiquement naïves. Quand le mouvement de revendication a atteint un certain niveau, ils n’ont pas été à la hauteur. D’autres préfèrent jouer sans prendre de risques avec le statu quo actuel, ou simplement ils ont peur de la politisation de tout le processus.
Les partis politiques pourraient-ils de même faire plus ?
Oui, ils pourraient faire beaucoup plus. Très souvent, les partis politiques catalans se sont dégonflés devant la pression de Madrid. Trop souvent ils ont eu peur, ils ont été trop mous ; ils faut les forcer un peu pour qu’ils défendent les sélections catalanes d’une manière plus catégorique. Il faut les secouer. La pression des citoyens est la clé de tout le processus. Cette pression est à l’origine du processus qui doit se terminer par la réponse affirmative des fédérations internationales.
« J’ai confiance dans le fait que, dans le futur, les partis politiques espagnols comprendront que ceux d’entre nous qui se battent pour les sélections catalanes ne sont pas contre qui que ce soit, de même qu’ils ne nient aucune identité. »
La collecte de signatures impulsée par la Plataforma Proseleccions Esportives Catalanes peut être considérée comme un fait marquant dans l’histoire de tout ce processus ?
Oui. Ce mouvement populaire a été très important parce que, outre prouver qu’une grande partie des citoyens est pour les sélections catalanes, il a impliqué toutes les institutions du pays : le gouvernement, le Parlement, les partis politiques, les syndicats et un nombre très élevé d’associations de toute sorte. Cette initiative législative populaire devait avancer ; autrement, cela aurait représenté une fraude à la population.
Pour finir, devons-nous avoir confiance dans le futur ?
Le chemin sera plein de difficultés, mais nous devons être optimistes. À présent, en Espagne il y a une tradition démocratique qui ne s’est pas encore consolidée. Ceci changera avec le temps et au fur et à mesure que la démocratie se consolide. J’espère que, dans le futur, les partis politiques espagnols comprendront que les sélections catalanes ne sont pas une tentative de nier l’identité espagnole.
« La collecte de signatures a impliqué toute la société catalane dans la défense des sélections ; ceci a été très significatif. »